Mme la présidente, mes chers collègues,
Les anciens nous ont laissé les canaux centenaires qui sillonnent la Plaine du Roussillon, les élus de la deuxième moitié du siècle dernier nous ont laissé deux barrages et la retenue de stockage de la Raho, une capacité totale de 70 millions de mètres cubes. La nature a doté notre département de trois fleuves qui, pour ainsi dire, naissent et meurent sur notre territoire, nous disposons aussi des deux nappes le pliocène et le quaternaire, chose que beaucoup de départements nous envient. Même au niveau de la pluviométrie nous n’étions pas les plus mal dotés jusqu’à présent.
J’espère que notre génération ne laissera pas à ses enfants que la sècheresse.
Notre Département s’investit beaucoup, depuis longtemps et de plus en plus pour l’eau ; soutient les collectivités territoriales jusqu’à 70% pour les plus petites qui ne sont plus aidées par l’agence de l’eau dans leur projet de moins de 10000€, même quand ces derniers visent le rendement des réseaux. Au reste notre Département a maintenu le Satese et le Satep, porte avec d’autres le syndicat mixte des nappes de la plaine du Roussillon, gère les barrages et la retenue de la Raho.
Le département soutient également les projets dit de réut (réutilisation des eaux usées), la recharge des nappes par les canaux lorsque les pluies le permettent, les nappes sont les meilleures retenues de stockage, sans danger, sans emprise foncière, sans évaporation, sans problème de gestion… cette recharge serait très utile notamment du côté du Tech. Nous avons lancé l’étude d’un adducteur qui partirait directement du barrage de Vinça pour arriver à la Raho, l’idée est de récupérer dans la plus grande retenue de stockage du Département 17,5 millions de M3 tous les excédents pluviométriques. Je rappelle qu’aujourd’hui, même en cas de pluie moyenne, l’eau ne rentrera pas à La Raho puisqu’elle s’alimente à partir de la zone dite T6 et que Vinça pourra tout juste assuré le débit réservé à la rivière et les besoins des canaux en aval.
Tout cela coutera cher c’est évident et il faut que l’État, l’agence de l’eau, et toutes les autres collectivités suivent pour les subventions, c’est la condition sine qua non pour gagner cette bataille.
Tout ce que j’ai énuméré nous le faisons, j’en ai même peut être oublié, mais cela ne suffit pas pour faire face à la situation historiquement sèche que nous sommes en train de vivre.
Nous battons des records en faiblesse de pluviométrie malgré les pluies de samedi et dimanche 19 mars, qui n’ont pas changé grand-chose. Pour vous donner une idée il est tombé 25 ml autour de Perpignan pour rétablir la situation déficitaire il en faudrait 15 fois plus et pour passer l’été, sans aucune réserve pour l’automne, au moins dix fois plus.
Record de sécheresse des sols, records de bas niveau des nappes, record de faible étiage des cours d’eau.
Jamais ou presque nous n’avions connu ça.
Nous travaillons pour passer l’été et les restrictions décidées par le Préfet visent à cela, éviter de passer en niveau de crise, ce qui serait catastrophique, conserver l’eau pour les humains et les animaux et arroser les productions agricoles nourricières.
Même si la proposition de syndicat mixte de sécurisation et de production d’eau potable portée par le Département depuis des années n’a pas reçu l’accueil qu’elle méritait par les communautés de communes les plus importantes, pour des raisons essentiellement politiciennes, il n’en reste pas moins que ce que nous sommes en train de vivre dans certains coins du Département démontre que cette proposition fait partie de la solution et que les producteurs d’eau, c’est-à-dire ceux qui puisent dans la ressource, doivent, plus que jamais, imaginer et en urgence une structure départementale de type sydetom (pour les ordures ménagères) afin de gérer au mieux la ressource, procéder au maillage, au transport de l’eau, trouver, financer et utiliser des ressources alternatives.
J’ajoute qu’il faudra en faire de même (peut être avec d’autres acteurs) pour la connaissance, la maîtrise, le destin, la gestion des eaux brutes. Toutes ces mesures, pour indispensables qu’elles soient, ont un caractère technique. Cependant, posons-nous la question, nous avons devant nous une vingtaine d’années pour transformer complètement le paysage avec l’idée, de plus en plus portée par des scientifiques et des spécialistes que l’on peut cultiver la pluie à moyen terme.
En d’autres mots, peut-on inverser le réchauffement climatique à partir d’un territoire comme le département.
Sans être trop long permettez-moi quelques détails. La réserve utile (RU) en eau des sols se construit par la combinaison d’un taux de matières organiques élevé, une densité racinaire forte et une activité soutenue de la microfaune du sol.
Cette réserve est déterminante puisque c’est elle qui abreuve les plantes tout au long de leur croissance.
Pour garantir aux plantes une résistance aux épisodes de sécheresse de plus en plus graves chaque été dans le département, le maintien d’une Réserve Utile d’eau dans le sol la plus élevée possible est indispensable.
La vitesse de remplissage de la RU au moment des pluies est le deuxième facteur essentiel à considérer. Cela peut varier de plusieurs dizaines de litres par heure à seulement quelques décilitres toutes les 24 heures. Ce facteur est particulièrement sensible sur les sols à dominante limoneuse, et s’amplifie avec le travail du sol. L’imperméabilité des sols (la battance) contribue également aux phénomènes d’érosion et dans les cas extrêmes aux épisodes d’inondations, ce phénomène est très présent dans notre département.
C’est l’activité biologique couvre sol, champignon, vers de terre qui génèrent la porosité, ces derniers creusent des galeries de transport de la matière organique de la surface vers la profondeur. L’absence de couverture végétale empêche cette activité. Parallèlement à cela, une grande partie des haies champêtres initialement présentes dans le paysage ont disparu. Les haies disposent de nombreuses vertus. Parmi les plus importantes, il y a l’effet brise-vent qui limite l’évaporation de l’eau de surface, et diminue les pertes de la vapeur d’eau produite par l’évapotranspiration des plantes. Cette eau, lorsqu’elle se transforme en rosée a été mesurée jusqu’à l’équivalent de 3mm de pluie quotidienne.
Les arbres, de par leur activité photosynthétique élevée et leur capacité à puiser de l’eau en profondeur grâce à leur système racinaire puissant ont la capacité d’émettre de grande quantité d’eau à la surface du sol, lorsque les sols disposent d’une réserve d’eau utile et que le maillage agroforestier est dense. Ce principe d’évapotranspiration peut être de nature à activer le petit cycle de l’eau est attirée les pluies. Ce phénomène est connu et compris, il a déjà été expérimenter dans plusieurs parties du monde. La surface à convertir et à régénérer semble se situer autour des 10 000 hectares, soit l’équivalent d’une petite Communauté de Communes (5 fois le territoire D’Elne).
L’arbre agroforestier est également en mesure de répondre à d’autres enjeux : le stockage de carbone, la production de bois, l’abaissement de la température au sol, l’hébergement d’une faune auxiliaire aux cultures, un fourrage d’appoint en cas de sécheresse estivale en élevage…
Par ailleurs, l’image d’une agriculture basée sur des considérations fortes envers l’environnement, et la création d’un territoire sain dans lequel il est possible de vivre au plus près de la nature, seront sans nul doute un nouveau pôle d’attractivité du territoire qu’il sera aisé de valoriser sur le plan touristique.
Naturellement, il faut une implication forte du Département, pour être à l’initiative, pour financer, pour porter le projet auprès des ministères concernés, de la Région et tous les autres financeurs.
Madame la Présidente chers collègues, au début de mon propos madame la présidente, je me demandais ce que l’on pouvait laisser aux générations futures ?
La réponse est peut-être une forêt de 10000 hectares et un peu plus de pluie et d’eau dans le sol.
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